10 mai, Fontenay-sous-Bois

Commémoration des abolitions des traites et des esclavages dans le domaine colonial français.


jeudi 23 avril 2009

L'équilibre entre mémoire & histoire est-elle possible ?





L’abolition de l’esclavage
Un équilibre entre commémorations locales
et commémoration nationale

La commémoration de l’abolition de l’esclavage résulte de l’adoption à l’unanimité de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

Cette loi prévoit l’institution, pour cinq ans, d’un comité de personnalités qualifiées chargé de proposer des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de l’esclavage et la fixation par un décret, après la consultation la plus large, de la date annuelle de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine. C’est sur cette base juridique que le Comité pour la mémoire de l’esclavage, installé en janvier 2004, a suggéré dans un rapport au Premier ministre d’avril 2005 de retenir comme date de commémoration nationale le 10 mai, par référence au 10 mai 2001, jour de l’adoption définitive, par le Parlement français, de la loi dite « Taubira ». Le 30 janvier 2006, le Président de la République, Jacques Chirac, reprenait la proposition du Comité.

Le choix du 10 mai comme date nationale est révélateur de la difficulté d’enrichir aujourd’hui notre calendrier commémoratif. En effet, cette date, qui est celle de l’adoption d’une loi, ne correspond pas à celle de l’adoption du décret d’abolition de l’esclavage, soit le 27 avril 1848.

En réalité, le choix du 10 mai comme date « nationale » répond à une exigence politique de consensus, la date d’abolition effective de l’esclavage n’ayant pas été la même dans les différents départements d’outre-mer. Le Comité pour la mémoire de l’esclavage a préféré respecter les mémoires locales de cet épisode majeur de notre histoire en ne remettant pas en cause le principe de la commémoration « territorialisée » de l’abolition de l’esclavage acquis depuis 1983.

En effet, la loi n° 83-350 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage avait déjà instauré dans les départements d’outre-mer et à Mayotte un jour férié destiné à commémorer l’abolition et le décret n°83-1003 du 23 novembre 1983 avait fixé des dates de commémoration différentes dans ces collectivités territoriales : le 27 mai pour la Guadeloupe, le 10 juin pour la Guyane, le 22 mai pour la Martinique, le 20 décembre pour la Réunion et le 27 avril pour Mayotte (1). Par ailleurs, le 27 avril de chaque année ou, à défaut, le jour le plus proche, aux termes de l’article 2 du décret, une heure devait être consacrée,
« dans toutes les écoles, les collèges et les lycées de la République, à une réflexion sur l’esclavage et son abolition ».

A ces considérations territoriales s’est ajoutée la revendication de certaines associations, dont le « Comité Marche pour le 23 mai 1998 », pour que soit commémorée non seulement l’abolition de l’esclavage, mais aussi la mémoire des victimes de l’esclavage. Afin de tenir compte de ce souhait, une circulaire du Premier ministre du 29 avril 2008 demande aux ministres, aux préfets et aux recteurs d’apporter le soutien et l’attention nécessaires aux initiatives prises par les associations regroupant les Français d’outre-mer de l’Hexagone lors de la journée du 23 mai, qualifiée de « commémoration du passé douloureux des aïeux ». Cette date fait référence à la marche silencieuse du 23 mai 1998, qui a réuni plusieurs milliers d’antillais et de réunionnais et contribué au débat national ayant abouti au vote de la loi du 21 mai 2001.

Le président du Comité Marche pour le 23 mai 1998, M. Serge Romana, a estimé que le coexistence des deux dates – le 10 mai et le 23 mai – était le résultat « d’un affrontement mémoriel au sein de la République » (2). La date du 23 mai concerne principalement les associations de ressortissants d’outre-mer résidant en France métropolitaine et descendants d’esclaves. Selon la présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage, Mme Françoise Vergès, la date du 10 mai est au contraire volontairement ancrée dans le présent et non dans le passé. De ce fait, elle n’appartient à «aucun territoire – personne ne peut dire « c’est mon histoire » –, (...) n’est liée à aucun moment historique précis et (...) se réfère à la notion très débattue aujourd’hui de
crime contre l’humanite» (3).

Notes

(1) Guadeloupe : 27 mai, car le gouverneur prit la décision d’abolir l’esclavage dès le 27 mai 1848 en raison
de soulèvements d’esclaves ; Guyane : 10 juin, date de la publication locale du décret du 27 avril 1848
supprimant l’esclavage ; Martinique : 22 mai (même raisons qu’en Guadeloupe) ; Réunion : 20 décembre
(abolition effective le 20 décembre 1848 suite à la publication locale le 18 octobre) ; Mayotte : 27 avril,
par référence au décret d’abrogation.
(2) Table ronde du 30 septembre 2008
(3) Table ronde du 30 septembre 2008

Extrait du
RAPPORT D’INFORMATION FAIT
en application de l’article 145 du Règlement
AU NOM DE LA MISSION D’INFORMATION
SUR LES QUESTIONS MÉMORIELLES
N° 1262
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2008
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE

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